Texte d’Orientation n°1 - SUD Education dans les luttes - Notre Stratégie syndicale
par

Solliès-Toucas
16 novembre 2004
Il n’est pas question ici de réécrire tout ce qui constitue, depuis la création des syndicats SUD Education en 1996, l’orientation de notre syndicat, définie à la fois localement dans les AG et les congrès précédents, et au niveau national dans les Conseils fédéraux et lors des congrès.
Il s’agit ici de définir le socle de notre stratégie syndicale locale en lien avec l’actualité présente et celle que nous avons vécue lors des mobilisations récentes du printemps 2003.
Ce texte n’a pas pour but d’écrire définitivement ce qui constituera notre stratégie syndicale à mettre en oeuvre à la fois au quotidien dans les lieux de travail où nous sommes présents et lorsque nous sommes confrontés à des luttes plus générales dans le secteur de l’Education nationale ou au niveau interprofessionnel. Il n’est qu’une étape dans un processus qui se poursuivra par les débats que nous aurons dans nos instances statutaires.
1 - Un syndicalisme de transformation sociale
1-1 Nous ne nous satisfaisons pas de l’organisation sociale, politique et économique à laquelle nous sommes confrontés en tant que privés d’emploi, salariés et citoyens. Elle est dominée par la mise en oeuvre de politiques libérales qui s’attaquent au progrès social tel qu’il a pu se mettre en place à la Libération par le Conseil National de la Résistance (Sécurité sociale, retraites, droit de grève, ...).
1-2 SUD éducation combat les politiques de régressions sociales qui ont été menées depuis une vingtaine d’années par les différents gouvernements qui se sont succédés. Elles ont pour origines l’application, plus ou moins brutales, de directives issues de la globalisation de l’Economie, prônées par l’OMC (organisation mondiale du Commerce), l’AGCS (Accord global sur le Commerce des Services), par la Commission européenne. Le projet de Constitution Européenne qui fige définitivement les directives que nous avons combattues (processus de Bologne, traité de Nice...), nous nous y opposerons en prenant position pour un non de progrès et de défense des services publics, lors du référendum organisé au sujet de sa ratification.
Les politiques qu’il entérine favorisent une minorité du corps social incarné par les classes dominantes et le patronat. Le secteur de l’Education est maintenant directement concerné par cette politique gouvernementale sous diktat européen.
Ces choix politiques conduisent, comme le montrent de nombreuses études, à amplifier les inégalités sociales. Ils contribuent à démanteler, petit à petit, les services publics (l’Angleterre est un exemple de cette politique libérale qui illustre ses conséquences sociales désastreuses), dans le cadre d’une politique de déconcentration générale de l’Etat. Le respect des contraintes budgétaires voulues par les tenants du Libéralisme conduit à une diminution des emplois stables, protégés par un statut, et à une explosion des emplois précaires et du chômage.
1-3 Face à cette politique nous optons pour un syndicalisme de transformation sociale offensif. Nous voulons une société plus juste et plus solidaire, d’où soient éradiquées les inégalités dont sont victimes notamment ceux qui se retrouvent plus que d’autres parmi les précaires et les chômeurs (femmes, jeunes, immigrés, travailleurs non qualifiés, ...).
Nous privilégions l’action collective des salarié-e-s, et de tout les laissés pour compte, pour arriver à arracher des avancées sociales aptes à transformer la société vers plus de solidarité et de justice. Nous nous opposons de fait à un syndicalisme d’accompagnement social, actuellement incarné principalement par la direction de la CFDT dans un cadre national et la Confédération Européenne des Syndicats (CES) dans un cadre européen, qui privilégie la négociation en dehors des luttes, quand il ne pratique pas la collusion avec les forces patronales.
1-4 En opposition au syndicalisme d’accompagnement social européen de la CES, SUD Education travaille à la mise en place d’un réseau syndical alternatif à l’échelle européenne.
1-5 Le syndicalisme que nous essayons de construire doit assurer la défense individuelle et collective des intérêts professionnels, économique, sociaux et moraux et faire aboutir les revendications des personnels en activité, au chômage ou retraités/pensionnés, titulaires, non titulaires ou précaires.
1-6 Pour SUD Education, développer l’organisation syndicale comme moyen de libération contre l’exploitation, la domination et l’aliénation que fait subir la société capitaliste, c’est tisser des liens de solidarité avec les autres organisations syndicales et participer aux mouvement sociaux poursuivant les mêmes objectifs : contribuer à l’émergence d’une société plus juste, moins inégalitaire, faire reculer l’exploitation, le racisme et le fascisme, le pillage du tiers monde, le chômage, l’exclusion et la misère, garantir et développer les droits des femmes, des immigrés, des enfants et des adolescents, le droits à l’emploi et au logement.
2 - Pour une autre école, pour une autre société
2-1 Dans le secteur de l’Education Nationale, SUD Education donne la priorité à la lutte pour la réussite scolaire, contre les discriminations, l’exclusion sociale et la précarité (titularisation de tous les précaires sans conditions de concours ni de nationalité). Nous y favorisons l’unification des établissements et des personnels dans le service public et laïque de l’Education Nationale.
Ceci implique la lutte dans les mois à venir contre la décentralisation et le transfert des TOS, la lutte contre les projets qui visent à créer des établissements publics doté de super directeurs dans le 1er degré, contre l’autonomie croissante des établissement du 2nd degré et des universités, contre la mise en concurrence des établissements... d’une manière générale contre les conclusions du rapport Thélot et de la loi d’orientation qui se dessine au printemps 2005, et tous les projets gouvernementaux en cours (nouvelle 3ème...) ou momentanément retirés (autonomie des université...).
2-2 SUD Education favorise toutes les actions pour contrer l’école du tri social de la maternelle à l’université, des orientations précoces et de l’alternance, en renforçant la scolarisation en maternelle, en veillant à ce que le collège devienne enfin vraiment « unique » ; en unifiant et en équilibrant les formations technologiques et générales pour tous les élèves jusqu’à l’issue d’une scolarité obligatoire qu’il faut repousser à 18 ans ; en différenciant les méthodes plutôt que les structures.
2-3 SUD Education s’opposera à toute tentative d’intrusion dans les écoles et établissements qui vise à la marchandisation de l’école par le patronat (ex : publicité, partenariat...). De même, SUD Education défendra les principes de la laïcité contre l’intrusion des religions.
2-4 Il nous apparaît nécessaire de réaffirmer et de défendre la liberté pédagogique individuelle et collective, de refuser la normalisation et l’asphyxie financière de la réflexion pédagogique, qu’il s’agisse des groupes pédagogiques, de l’éducation populaire, des organismes publics de recherche et d’animation
3 - L’Unité et la Démocratie dans les luttes
3-1 Nous ne prétendons pas être en mesure de mener seuls les combats nécessaires pour obtenir les transformations sociales que nous voulons ou pour contrer les politiques libérales de régression sociale auxquelles nous sommes confrontés.
Le mot « Unitaire » n’est pas présent par hasard dans notre sigle SUD. Etre unitaire signifie que nous cherchons, a priori, à construire les luttes intercatégorielles et interprofessionnelles à mener avec le maximum de forces organisées décidées à agir.
Concrètement, l’unité doit être réalisée avec des forces syndicales, mais aussi avec des collectifs de salarié-e-s, chômeurs, de précaires, ... Le but est de construire le rapport de force le plus large possible sur la base d’une plate-forme revendicative décidée et soutenue par les salarié-e-s, chômeurs, précaires en lutte, seul gage de réussite de la mobilisation.
3-2 Si à l’heure actuelle les organisations syndicales de l’Education Nationale, au plan national et local, ignorent toujours SUD Education, il nous apparaît nécessaire d’arriver à créer des relations intersyndicales unitaires basées sur la volonté de lutter efficacement contre les agressions du gouvernement et du patronat. Seule l’unité sur des bases revendicatives claires peut permettre de créer la mobilisation nécessaire à toute lutte.
3-3 Les luttes, à quelque niveau que ce soit, doivent être prioritairement de la responsabilité des personnes qui y participent. Autrement dit, nous défendons toutes les formes d’auto-organisation des personnels en lutte. Ce modèle d’organisation démocratique est l’Assemblée générale décisionnelle des personnels qui décide seule de son organisation, de ses revendications et de ses modes d’action. La mise en place de ce modèle se heurte à un certain nombre d’obstacles : refus des autres syndicats, risque de récupération par certaines forces politiques, ...Cependant, SUD éducation proposera systématiquement ce modèle d’organisation.
3-4 Parce qu’au cours du mouvement de grève du printemps 2003, les participants aux AG étaient finalement peu informés des actions dans les autres départements, des décisions de l’intersyndicale de l’éducation (dont nous étions exclus) et de l’intersyndicale interprofessionnelle. Parce qu’il est nécessaire que les grévistes sachent ce qu’il se passe, SUD Education s’efforcera de diffuser le plus d’informations possibles en mettant ses outils au service de la lutte. Dans les AG inter établissements, de secteurs, d’établissements, SUD Education cherchera à diffuser ses orientations, analyses et propositions d’actions.
3-5 Pour SUD Education, seule la grève générale interprofessionnelle peut permettre de faire avancer les revendications des salarié-es, chômeurs, précaires en lutte. Il n’est pas question pour autant d’attendre que les autres fédérations ou confédérations syndicales appellent elles à la grève générale pour organiser la lutte. Mais il n’est pas question pour nous de privilégier les journées d’action isolées, surtout si celles-ci ne se placent pas dans le cadre de la construction unitaire d’une mobilisation la plus large possible.
3-6 D’une manière générale, le syndicalisme se doit de permettre chaque salarié-e, chômeur, précaire de trouver collectivement les conditions de lutter, de résister, là ou il-elle est !
4- Un syndicat pour la défense immédiate des intérêts collectifs des personnels
4-1 Il y a toujours eu des « chefs » autoritaires, des « caporaux » prêts à écraser leurs subordonnés, à prendre des décision arbitraires. Les luttes ont permis d’établir des règles, des droits syndicaux permettant de se prémunir de certains abus. Mais nous constatons ces dernières années, dans l’Education Nationale de l’utilisation par certains chefs d’établissements ou chefs de services des méthodes de gestion du personnel venant du privé (quand ce n’est pas à un retour à des méthodes d’un autre âge) : déni des droits syndicaux, harcèlement moral, entretiens d’embauche... Et ces derniers mois en particulier, nous assistons à des attaques sans précédent contre des syndicalistes en même temps que les attaques globales contre les salariés, précaires et chômeurs. Ces attaques, tout comme les atteintes au droit de grève collectives (service minimum...) et individuelles (Rolland Veuillet...), visent à affaiblir le mouvement syndical, à le décrédibiliser aux yeux des salariés pour arriver à casser plus facilement les acquis sociaux et faire passer des « pseudo-réformes ».
Face à ce constat, notre orientation syndicale générale implique la défense des intérêts collectifs et individuels des personnels de l’éducation dans un esprit inter catégoriel de solidarité immédiate et totale envers tous les personnels victimes de pressions hiérarchiques, de brimades, de sanctions...
4-2 Face à la précarisation dans notre secteur d’intervention, comma ailleurs, SUD Education fait de la défense des personnels les plus démunis une priorité, afin de rendre à travers ces personnes, tous les personnels plus forts, ce qui impose de reprendre notre revendication de titularisation immédiate de tous les précaires, sans condition de concours, ni de nationalité. Il ne s’agit pas de signer des protocoles qui cautionnent l’éclatement de la précarité contre des titularisations de plus en plus rares, mais de réellement se donner les moyens de lutter collectivement contre les licenciements des personnels à statuts précaires pour obtenir ensuite leur titularisation..
4-3 SUD Education est totalement opposé au fonctionnement actuel du paritarisme : les commissions paritaires n’ont qu’un rôle consultatif, elle ne donnent qu’un avis face au pouvoir décisionnel et arbitraire de la hiérarchie. Ce sont les limites du paritarisme, ou la décision finale n’appartient pas aux personnels eux-mêmes. Cet aspect est encore renforcé par les glissements vers des formes de gestion régionale pour lesquelles les représentants syndicaux ne sont pas élus.
Notre but n’est pas de remplacer l’administration dans son rôle d’information des personnels et encore moins de prendre la place des autres organisations syndicales qui se sont approprié cette tâche à des fins électoralistes. Si nous sommes entièrement opposé à la co-gestion et toute forme de collaboration avec notre hiérarchie en échange de quelques subsides et avantages syndicaux, si nous dénonçons fermement cette situation, nous estimons qu’il est nécessaire, dans la mesure du possible, de participer aux élections professionnelles afin d’être présent dans les commission administratives paritaires (CAP). Les représentants de SUD Education pourront pour y faire entendre nos positions, nos revendications, mais aussi contraindre l’administration à se justifier sur toutes ses contraires à l’équité entre les personnels ou aux règles établies.
Pas question pour nous de nous rendre complices, mais nous pourrons ainsi obtenir des informations, dénoncer les agissements de l’administration et informer les personnels sur les évolutions de nos statuts, de nos conditions de travail... et nous opposer au non respect des barèmes (seuls garde-fous contre les choix subjectif ou de copinage), aux postes à profil, à la gestion au mérite, à l’absence de règles claires...
La présence d’élus, sans compromissions, refusant la co-gestion, restera une garantie de transparence dans les rapports avec l’administration.