Grèves dans le supérieur
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Depuis quelques mois, bon nombre d’universités sont en grève. La raison : la loi dite « LRU » et non pas seulement le statut des enseignant chercheur comme veulent le faire croire les médias. Si, seuls, le décret sur les enseignants chercheurs et la réforme sur la mastérisation des IUFM passent par le filtre médiatique, c’est parce que notre président de la république ou, tout au moins ses sous-fifres, avait prévu de retirer le premier rapidement pour que les enseignants chercheurs rentrent de suite dans leur campus. Quant à la seconde, il savait qu’il ne pourrait pas l’appliquer faute de programmes, les « maquettes », présentés par chaque université participante.
Petit rappel, la loi LRU, loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (loi n°2007-1199), qui avait été votée en douce le 10 août 2007, alors que tout le monde était en vacances (à part les députés qui, pour une fois, étaient à leur poste) est l’aboutissement du projet « d’autonomie des universités » . Elle donne tout pouvoir aux Présidents d’Universités grâce à la suppression de la gestion collégiale (exemple Conseil d’Administration). Le recrutement devenant local et non plus par concours nationaux, la docilité, le copinage seront la base de l’embauche. Ceci pour tous les personnels y compris pour les enseignants chercheurs dont la modification du statut favorisera ce genre de pratique. Le malaise est donc plus profond car, avec la séparation de l’ancienne Education Nationale en deux et la création d’un ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, c’est la privatisation du supérieur qui est en marche. Les mêmes recettes avaient été appliquées, il y a quelques années, pour privatiser les PTT ou, plus récemment, EDF-GDF : on diminue le personnel titulaire, on le remplace par du personnel précaire et non qualifié qui, de plus, ne peut pas broncher, trop préoccupé qu’il est de pouvoir être ré-employé le mois suivant avec son salaire de misère, le service se dégrade, on fait crier haro sur le baudet par les usagers-consommateurs et, hop, on découpe en petits morceaux pour les rendre plus comestibles et on jette en pâture au secteur privé. Il se passe exactement la même chose dans les hôpitaux où l’on voit les frais d’hospitalisation grimper et les dessous de table exploser... Mais, bon, il faut bien privatiser les services comme le demande les ultra-libéraux de l’AGCS (l’Accord Général sur le Commerce des Services, GATS - General Agreement on Trade in Services - en anglo-saxon - http://www.agcs-gats.org/ , par exemple, pour plus d’info).
D’autre part, la mise en concurrence des universités entre elles et le regroupement en grand pôles universitaires annoncent la mort des petites et moyennes (telles que l’UTV) ainsi que les IUT et IUFM. Depuis la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat - Décret n° 2002-482 du 8 avril 2002), les diplômes ont été remplacés par des grades locaux qui ont perdu leur caractère national, chaque université délivrant ses propres grades selon les besoins de l’économie locale. Et dire que c’est passé tellement inaperçu que beaucoup de parents pensent que leurs enfants passent encore des "diplômes" alors qu’il ne s’agit que de grades n’ayant, pour les petites universités, qu’une reconnaissance très limitée !
De plus, bientôt, les étudiants devront payer entre 3000 et 5000€/an de frais d’inscription sans compter les frais d’hébergement et de nourriture (car il n’y a pratiquement plus de restauration universitaire dont les personnels ont, là aussi, pratiquement disparu). L’argent, vous pensez que c’est démocratique comme critère de sélection ? Mais, évidemment, les universités seront autonomes (il y en a déjà 10 passées aux "compétences élargies" depuis le 1er janvier 2009 donc fonctionnant comme une entreprise avec ses personnels qui ne savent même plus s’ils dépendent encore de l’état ou de leur président-PDG). Il faudra donc bien payer leur remise en état car allez voir comment sont les locaux dans la majorité des campus.
Et puis, comme le dit notre ministresse (et son chef), de quoi se plaint l’enseignement supérieur ? Il est favorisé : il n’est supprimé qu’un départ en retraite sur 6 (contre un sur 2, en moyenne, dans le reste de la fonction publique) soit, quand même, plus de 1000 postes pour 85 établissements ! Quand on sait que cela fait des années que nous sommes en sous effectifs, aussi bien chez les personnels BIATOSS (Bibliothèque, Ingénieur, Administratif, Technicien, Ouvrier de Service et de Santé) que chez les enseignants !