Décentralisation du 1er degré - EPEP = Danger !
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Après les TOS - Le 1e degré en tête de gondole
Les écoles primaires sont depuis leur création organiquement liées aux municipalités en ce qui concerne la gestion des locaux et de certains personnels (ATSEM). Cette décentralisation de fait pose toutefois bon nombre de problèmes et risque en se dégradant d’ouvrir une voie royale à la marchandisation de l’enseignement.
On sait par exemple que les crédits de fonctionnement alloués aux écoles par les municipalités varient selon les Mairies. Cette disproportion, qui résulte d’abord de la richesse des municipalités mais aussi de leurs choix politiques/économiques (favoriser le privé, rogner sur tel ou tel poste budgétaire), écorne à elle seule, et depuis longtemps, l’égalité des élèves devant l’éducation et le mythe d’une instruction qui serait gratuite.
Cette situation, qui conduit les enseignants à se débrouiller depuis des lustres avec deux francs six sous (les coopératives, d’ailleurs non obligatoires), se pervertit sans cesse davantage. C’est désormais sur projet, comme si l’éducation se méritait, ou en sollicitant toujours plus les parents que l’on peut espérer récupérer les moyens qui permettront de mener une action à laquelle chaque élève devrait avoir droit ... un état de fait qui n’a d’ailleurs pas échappé au monde de
l’entreprise, qui, sous prétexte d’apporter des documents sur l’hygiène dentaire (Colgate) ou la nutrition (Nestlé), pallie au manque de moyens ... et s’introduit, tel le loup dans la bergerie, au sein du service public.
Le même état d’esprit se retrouve dans la gestion des personnels employés par les mairies : ATSEM en nombre insuffisants dans les maternelles, mais remplacés par des contractuels ou des stagiaires, vacataires sans formation pour surveiller les cantines, absence de personnels
administratifs... en attendant l’externalisation par les municipalités de services complets (cantines, garderie, surveillance).
La future mise en place des EPEP, dont la responsabilité incombera aux municipalités, et les conclusions du Rapport Thélot risquent de considérablement aggraver les choses. Ainsi, si l’on attendait du personnel statutaire et formé pour suppléer aux carences des élèves en maths ou en français, il faudra revoir nos ambitions à la baisse. Les Pôles d’Excellence, en rapprochant les facs des écoles, permettront aux étudiants en maths ou en lettres de venir travailler - pour pas cher et sans la moindre formation pédagogique - dans les classes ... De même, en insistant de façon suspecte sur l’intérêt du « partenariat » avec le monde de l’entreprise tout en prônant une certaine autonomie financière des établissements, le fameux rapport laisse la part belle à l’entrée en force du privé dans les écoles : à quand la séquence de maths sponsorisée par Danone, l’apprentissage de la lecture compatible avec Microsoft, l’enseignant bridé par son mécène ?
Face à cette décentralisation larvée, qui handicape les élèves et fragilise le service public, opposons une école démocratique, dotée de moyens, et libre de toute entrave mercantile ou ... municipale.
EPEP = Danger !
Dernière appellation contrôlée par Fillon, les Réseaux d’Ecole s’intituleront finalement EPEP - Etablissements Publics d’Enseignement Primaire. Depuis juillet 2004, un amendement intégré en douce à la Loi de Décentralisation autorise en effet, et à tire « expérimental », les Maires à regrouper plusieurs écoles d’une ou plusieurs communes au sein d’un même établissement doté d’un conseil d’administration.
Présentée comme le moyen de sauver moult écoles rurales et urbaines de la disparition et d’en faciliter le fonctionnement, le dispositif peine surtout à dissimuler sa volonté de rentabiliser le service public d’éducation. Il n’échappera ainsi à personne que, milieu rural ou pas, le regroupement d’écoles opéré par la municipalité se soldera par une diminution drastique du nombre de postes sur le secteur : il est en effet plus facile, et surtout moins voyant, de supprimer des classes ou de redéployer des moyens sur un gros établissement du type EPEP que dans de petites écoles. Par ailleurs, la municipalisation accélérée de la gestion des écoles ne pourra qu’avoir des répercussions dramatiques sur les moyens accordés au 1er degré, notamment dans l’attribution des crédits par les Mairies.
Si les enseignants auront vraisemblablement plus d’élèves dans leur classe, ils pourront toujours se consoler d’avoir un Chef - et un vrai. La loi, qui à cet égard est formelle, oblige les EPEP à se doter d’un directeur recruté et formé (formaté ?) par l’IA. Totalement déchargé, coupé des (dures) réalités de l’enseignement, ce cadre d’un nouveau type bénéficiera des pouvoirs d’un petit proviseur aux ordres de l’IA et du Maire, avec en sus, les prérogatives d’un véritable chef d’entreprise (choix du personnel sur projet, etc ...). La liberté pour chaque enseignant de choisir sa pédagogie et de pouvoir prendre part à la direction collégiale de son établissement d’en pâtir, remplacés par un système dont on imagine aisément les dérives autoritaristes...
Enfin, qui pourra s’opposer à la création de ces fameux EPEP ? Certes, la loi prévoit que les conseils des écoles concernées auront leur mot à dire et qu’il faudra l’aval des IA et du Préfet. La belle affaire ! Chacun connaît le peu de poids des conseils d’école face aux municipalités, et l’on imagine assez mal les IA s’opposer à une décision qui leur permettra d’économiser bon nombre de postes tout en mettant les personnels au pas... On peut aussi s’interroger sur le pouvoir réel
du futur conseil d’administration des EPEP, dont on ignore même par qui il sera présidé...
En confiant une part accrue du fonctionnement des écoles aux municipalités, les EPEP s’inscrivent parfaitement dans le cadre de la décentralisation déjà à l’œuvre pour les personnels ATOSS. La manœuvre anticipe par ailleurs largement les « suggestions » du Rapport Thélot : renforcement de la hiérarchie, recentrage sur les savoirs traditionnels, recrutement des personnels sur projet, salaire au mérite, recherche de financement par partenariat avec le privé, etc... Cette inquiétante synergie n’augure rien de bon, ni pour les élèves ni pour les personnels.